Enquête : Pourquoi y a-t-il encore des hommes et des femmes dans les rues de Bordeaux ?
Décrite comme l’une des formes les plus extrême d’exclusion sociale et comme un risque primaire pour la santé par la Commission Européenne, le sans-abrisme en France est une réalité invisibilisée. Dans le pays, 133 000 personnes vivent dans la rue dans ses conditions de marginalisation extrêmes et près de 3 millions de personnes vivent dans de mauvaises conditions de logement selon l’Insee. État des lieux, ici, de la situation du logement en Gironde.
crédit - Robin des Rues, Bordeaux
Le 31 mars dernier signant la fermeture de centres d'accueil d’urgences de nuit qui ont permis aux personnes sans domicile de survivre face à l’hiver. En Gironde, 4850 personnes dormaient dans les rues, confie Marlène, bénévole retraitée dans l’association Les Robins de la Rue lors d’une maraude sous la pluie assurée dans le centre-ville de Bordeaux. Marlène avait, l’an passé participé à la Nuit de la Solidarité proposée par la ville afin de recenser le plus précisément possible le nombre d’hommes et de femmes dormant dans les rues. Bilan : 554 personnes dans les quartiers de Bordeaux, dont 128 mineurs. La majorité supporte ces conditions depuis plus d’un an, un quart depuis plus de 5 ans la mairie de Bordeaux. Marlène s'attriste de ne pas avoir pu prendre en compte “les gens qui sont dans leur voiture, ou dans des logements insalubres” ni ceux qui “seront bientôt expulsés”.
Mettre fin au sans-abrisme ? Quelles sont les solutions ?
Anne Marchand, directrice Nouvelle-Aquitaine de la Fondation Abbé Pierre tente, de décrypter la complexité de cette faille sociale. Lorsqu’elle aborde le sujet du logement social, elle explique que “le système en escalier ça ne marche pas”. Ce système, c’est celui en place pour aider les personnes en difficulté de logement. Il prévoit de faire passer la personne vivant à la rue à un hébergement social puis à un logement d’insertion associé à un accompagnement social afin de parvenir au logement pérenne.
Ce système suppose qu’il faut être patient et obtenir l’assistance à tous les niveaux de la part des acteurs sociaux. Un frein majeur, c’est le numéro d’urgence ou “115” mis en place pour proposer une solution d’urgence aux personnes dans le besoin ; la première marche de l’escalier. Lors de la maraude en compagnie des Robins de la Rue, plusieurs personnes se sont réunies autour de la voiture pour boire un café chaud ou recevoir un sac en plastique rempli par les bénévoles de produits d’hygiène et de nourriture. C’était le cas de Gilles et Patricia, dans la cinquantaine, qui ont tous deux parlé de cette difficulté à trouver de l’aide auprès du numéro d’urgence sociale et ont parlé de ce “rappelez demain” qu’ils entendent souvent.
Dans son rapport annuel sur la Gironde, la Fondation Abbé Pierre indique que beaucoup de personnes en ayant besoin se refusent à appeler ce numéro parce qu‘il ne leur offre pas de solution, le rapport parle aussi des femmes, à l’image de Patricia : “on en croise des femmes, moins que des hommes, mais oui”. Parce que si elles sont un tiers des sans domiciles fixes, elles sont “invisibles”, selon la Fondation qui précise que pour beaucoup, elles reprochent le manque d’humanité de ces services d’aide.
Vers le “logement d’abord” ?
Cette substitution au système en escalier pourrait être une solution ; déjà mis en place en Finlande par exemple, ce moyen a pour but de placer directement les personnes n’ayant pas de solution dans un logement social et de traiter de leur réinsertion après leur installation. L'argument apporté par la Fondation Abbé Pierre, soutenue par les chiffres de l’Insee, est “qu’il y a plus de 3 millions de logements vacants en France”. Avec ces logements inoccupés, notamment sociaux, nous aurions une solution qui réduirait drastiquement le nombre d’hommes et de femmes à la rue. Aujourd’hui, la solution privilégiée par le gouvernement est de retirer les logements sociaux aux personnes qui ne justifieraient plus de conditions de vie précaires. La fin du droit aux habitations à loyer modéré “à vie”, une solution qui soulève elle aussi plusieurs questions quant à la capacité de se sortir du sans-abrisme… sans logement.